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La nomination de Michel Barnier à Matignon, le 5 septembre, est le résultat d’une longue période d’hésitation de la part d’Emmanuel Macron, au cours de laquelle le président de la République a testé, sous le regard des Français, différentes hypothèses, de droite, de gauche ou de la société civile, pour les récuser une à une. Récit des coulisses d’une étrange partie de bonneteau.
Partie en vacances, résignée à endosser le costume d’opposante qu’elle ne connaît que trop, Marine Le Pen s’est retrouvée, à son retour prématuré, à la fin d’août, au centre du jeu.
« On l’a compris dès lors que le Nouveau Front populaire [NFP] a parlé de censure automatique si le premier ministre n’était pas [sa candidate] Lucie Castets et que l’Elysée a fixé comme règle l’absence de censure, retrace Renaud Labaye, le secrétaire général du groupe Rassemblement national (RN) à l’Assemblée nationale. Arithmétiquement, c’est nous qui devenions décisionnaires. Et comme on le devient, Marine donne ses critères à la sortie de l’Elysée. » Devant Emmanuel Macron, le duo formé par Jordan Bardella et Marine Le Pen, le 26 août, récuse par avance un gouvernement issu du NFP et exige un premier ministre « respectueux des électeurs du RN ».
La leader du parti d’extrême droite n’a pas digéré l’organisation du « front républicain » au début de juillet, qui l’a privée de quelques dizaines de sièges à l’issue du second tour des législatives. La mise à l’écart du RN au bureau de l’Assemblée nationale l’a rendue encore moins conciliante. « Ils ont voulu nous marginaliser ? On ne leur fera aucun cadeau », se réjouit-on dans son entourage. La suite des événements le démontrera : Marine Le Pen baissera ou lèvera le pouce au fur et à mesure que seront égrenés les profils envisagés par l’Elysée.
Au terme de deux « rounds » de consultations avec les forces politiques du pays, Emmanuel Macron est dans une impasse, à la fin du mois d’août. Il estime avoir fait la démonstration qu’un gouvernement conduit par Lucie Castets, la candidate du NFP, serait censuré immédiatement. Mais les deux formations de gouvernement, le Parti socialiste (PS) et Les Républicains (LR), refusent de participer à une coalition avec le camp présidentiel.
Aussi envisage-t-il une solution « non politique ». L’ancien leader de la CFDT Laurent Berger, sollicité le 27 août pour Matignon, éconduit le chef de l’Etat. Emmanuel Macron appelle alors Thierry Beaudet, deux jours plus tard. Le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE) pense d’abord être consulté par le chef de l’Etat au même titre que les autres présidents d’Assemblée. « Finalement, peut-être que la bonne solution, c’est d’avoir quelqu’un de la société civile, lui lance Emmanuel Macron depuis Belgrade. Pourquoi pas une personnalité comme vous ? » L’ancien patron de la Mutualité française, classé à gauche, repousse d’abord l’idée. « J’aimerais qu’on prolonge la discussion », insiste le chef de l’Etat, qui l’invite à l’Elysée le lendemain après-midi, à son retour de Serbie.
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